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Ludo

Entretien avec Adrien Servadio, Flame Artist freelance

Superviseur des effets spéciaux et graphiste sur le logiciel Flame, Adrien Servadio s’est construit progressivement comme freelance, jusqu’à s’installer récemment à Los Angeles, cité internationale du cinéma, ce qui devrait lui permettre d'exprimer pleinement sa créativité, un point essentiel pour l'artiste.


Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

Mon parcours est atypique. Je ne me destinais pas initialement à faire de la post-production ou travailler dans le cinéma. Lorsque j'ai commencé, j’ai eu l'opportunité de travailler comme assistant Flame, logiciel de compositing et d'effets spéciaux, au sein de la société Autre Chose. J'y ai fait mes premières armes sur Flame et ce fut très qu’enrichissant. Par la suite, j’ai intégré la société La Maison, puis BUF Compagnie. La Maison m’a appris à conceptualiser et améliorer mes plans, tandis que BUF m’a permis d'acquérir un regard artistique et un recul sur mon travail. Ces deux expériences ont été une grande source d’apprentissage aux côtés d'artistes formidables qui transmettaient naturellement leur goût du métier. En parallèle de ces deux expériences, j’ai réussi à me pencher sur la réalisation de mes propres films, mais aussi sur le développement de compétences en photographie. Après cinq ans chez BUF, je suis passé freelance, décision que je ne regrette pas et qui m'a permis de saisir l’opportunité de passer comme graphiste Flame principal. Considéré comme un "jeunot talentueux", de nombreuses sociétés m’ont approché, avec de beaux projets à la clé.

Quelles ont été les motivations pour se lancer en freelance ?

Le métier de freelance m'offre la possibilité de travailler et collaborer avec de nombreuses personnes et talents différents, cela me permet de découvrir tous les jours de nouvelles méthodes de travail, source de développement personnel.

En tant que freelance, je peux observer le fonctionnement de nombreuses entreprises sur Paris et m’en inspirer pour s’améliorer. On peut ainsi dire que j’ai eu trois écoles : La Maison, BUF et mon expérience de freelance. Mon travail à l’étranger représente également une part importante de ce que j’ai vécu.

Ayant collaboré avec des sociétés comme Nightshift ou encore Saint George sur des projets ambitieux, j’ai reçu, au fil du temps, de nouvelles propositions. Un jour, c'est Glassworks qui m'a contacté pour une mission d'un mois qui s'est transformé en un an à Amsterdam.

De retour en France et chez Nightshift, ma « maison mère » en quelque sorte, j'ai reçu d’autres offres, et l’une d’elles sortait du lot : il s'agissait d'un travail à réaliser sur Flame aux Etats Unis pour une publicité sur le mythique Super Bowl. Exalté, j’ai confirmé. J'ai, par la suite, décidé de m’installer à Los Angeles. Je reste néanmoins ouvert à d’autres projets, ne considérant pas mon travail à Los Angeles comme une finalité. Il y a toujours des chances pour que je parte à l’aventure tant qu’un projet apporte : • Une grande liberté créative. • Un beau potentiel. • De bonnes conditions de travail.

On choisit ce métier pour faire de belles images. Personnellement, j'ai toujours couru après les projets.


Travaille-t-on différemment dans la post-production en France et aux États-Unis ?

Côté Anglo-saxons, tout semble plus normalisé et organisé, notamment lorsque l’on constate l’importance des timings et la place occupée par le légal. Cela induit un processus finement rodé, mais également des contraintes qui peuvent parfois brider les intentions artistiques. Pour un Européen on a parfois l'impression d'être plus choisit pour ses compétences que pour son sens artistique.

Sur le vieux continent, que cela soit en France, en Italie ou en Espagne, il y a ce que je nomme le « bordel artistique ». Ce petit quelque chose, aussi stimulant qu’intrigant, mais aussi beaucoup plus risqué, qui permet toujours de partir dans une direction inattendue et de trouver LA bonne idée,. C’est ce que j’aime profondément dans ce milieu en Europe : la liberté créative laissée aux équipes.


Concrètement, quelles sont vos compétences en matière de post-production ?

Dans mon métier, je suis superviseur en effets spéciaux, mais aussi Flame artist. Je travaille également sur des logiciels de compositing comme After Effects ou un peu Nuke mais également Premiere sans pour autant me considérer comme monteur. Je reste essentiellement spécialisé dans le compositing et les effets spéciaux.

La photographie et la réalisation demeurent aussi des compétences essentielles. Elles me demandent du temps et me permettent de m'épanouir professionnellement dans le milieu de la post-production. Plus généralement, je suis fondamentalement attiré par le fait de créer. Quel que soit l’outil, l’image suscite chez moi le plus grand intérêt.

Dans les faits, plus la palette de compétences est large, plus cela permet de gagner du temps pendant la phase de post-production, il faut par exemple savoir aborder une conception 2D , 3D ou dès le tournage. Qu’il s’agisse d'un plateau de tournage, d’un ordinateur ou d’une tablette, on est jamais confronté aux mêmes contraintes, aux mêmes défis. C’est ce que j’aime le plus : s’adapter et trouver des solutions.

Quels logiciels utilisez-vous ? Et pourquoi ?

J’utilise principalement Flame. Je me sers également d’After Effects et Nuke, car ce sont de bons compléments. Ces logiciels intègrent de nombreux plug-ins aussi pratiques qu’intéressants, comme le plug-ins Particular et plexus sur After Effets pour la création de particules très rapidement.

L’animation de typographies fait aussi partie de mes compétences, à l’aide d’outils que je considère mieux adaptés que Flame pour ce type de création.

Dans le cas de Nuke, j’ai davantage été poussé par la force des choses à l’utiliser. Durant de nombreuses années, le secteur laissait courir la rumeur que Flame allait perdre de sa superbe et de son succès, mais ce ne fut pas le cas. Autrement dit, il s’agissait d’une solution de secours devenue une simple alternative aujourd’hui.

En tant que superviseur, il me semble important de prendre en compte toutes les possibilités, appréhender les logiciels disponibles sur le marché et revoir son plan facilement si besoin. Pour être honnête j’ai beau me former a Nuke, je reste attaché à Flame, plus fluide pour mon utilisation. Efficacité et vitesse d’exécution me semblent toujours plus importantes lorsque j’utilise ce logiciel. Enfin, j’ai également essayé Fusion, logiciel de compositing nodal avant son rachat par Blackmagic Design.


Comment se démarquer des autres en tant que freelance en post-production ?

Aujourd’hui, le marché du freelancing comporte des profils très variés. Personnellement, j'ai une bande démo, un excellent outil qui m'a permis de valoriser mon travail en début d’activité. Il existe de nombreuses solutions désormais pour donner de la valeur ajoutée à son travail : • Des projets artistiques de niche. • Des créations décalées, qui suscitent l’attention. • Des courts-métrages… • Le côté humain, le bouche à oreille.

Savoir travailler en équipe est une qualité essentielle en tant que freelance. Arriver au milieu d’un projet avec trop d'assurance est impossible dans un secteur nécessitant essentiellement de l’entraide et de l’enrichissement mutuel. Faire preuve de curiosité et d’empathie me semble essentiel. Pourquoi ? Car lorsqu’une entreprise met en place un processus de travail, il faut réussir à en comprendre l’intérêt et en tirer le meilleur plutôt que de le critiquer.

Dans mon cas, on va principalement m’appeler sur des projets artistiques pour lesquels il faudra créer de la matière et de nombreux éléments. Mixer ces éléments me rappelle la peinture libre sans une technique trop normalisée. Dans ce contexte, le Flame permet d'expérimenter et sortir des sentiers battus.

Il faut savoir proposer ses services sans prétentions et toujours avec l’envie d’apprendre. Le rapport client est donc essentiel, des plus petits aux plus grands projets. Dans mon cas, il s’est construit dans le temps : • Suivre des réalisateurs pour rencontrer les entreprises. • Faire le meilleur travail possible, le bouche à oreille fait son travail. • Être contactés par les entreprises suite aux recommandations des réalisateurs.

Quel est le projet post-production dont vous êtes le plus fier ?

Il y a notamment The Chapters of Hennessy, de Nicolas Winding Refn. Ce film m'a marqué car Il représente à lui seul ce que j’ai précédemment nommé le « bordel artistique ». Le script, le storyboard et bien d’autres éléments étaient partiellement écrits, laissant place à l’improvisation et à la création de maquettes directement sur le plateau de tournage. Il s’agissait de mon premier gros projet avec Nightshift.

Les films pour Heineken que j’ai réalisés entre 2011 et 2012 m’ont aussi beaucoup apporté et amusé. Il y a également mes courts-métrages, dont trois d’entre eux ont représenté de grandes étapes dans ma carrière :

• Stardust. • Immersives. • Macrocosmos.

Ce dernier a remporté plusieurs prix cette année, me rendant très fier de ma participation à ce projet.

Je viens du cinéma, mais en post-production, je considère la publicité plus épanouissante, car elle permet de travailler sur des projets plus courts et variés.

Dans le cinéma, les prémices des projets sont toujours fascinantes, impliquant de nombreuses heures de recherches et de documentation, mais il ne faut pas se perdre dans le caractère titanesque des tâches à réaliser.

La post-production est ma passion, mais ce qui compte le plus, selon moi, c’est de pouvoir travailler sur des projets motivants et rester fidèle aux personnes et sociétés que l'on apprécie.

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